adaptation française de Mathieu Janin, SRRP (3 novembre 2005)
Le premier message parvenu au service de piquet du groupe Kuoni dans les premières heures de la matinée du 26 décembre dernier annonçait une vague qui avait emporté 4 personnes à Sumatra. Une malchance. Lorsque peu d’heures plus tard la cellule de crise du voyagiste se réunit dans l’urgence à l’intérieur de son quartier général, l’aperçu de la situation n’était toujours pas clair mais une tendance se dessinait : elle était catastrophique.
Les premières heures sont les plus importantes
En compagnie d’autres voyagistes et de l’assurance Elvia, Kuoni a mis sur pied un numéro d’urgence destiné aux proches des vacanciers concernés. Même si la dimension de la catastrophe était encore inconnue à ce moment, d’autres mesure immédiates ont été décidées : Edelweiss Air, la compagnie d’aviation du groupe Kuoni en vol pour les Maldives reçut la mision d’évacuer les premiers vacanciers. La totalité des voyages à destination des régions touchées prévus les jours suivants fut annulé.
Durant les premières heures, l’ensemble des forces des responsables des régions concernées fut concentré sur l’établissement de contacts avec les vacanciers et l’obtention d’informations. Ces deux objectifs relevaient du défi. Les structures de communication des régions sinistrées étaient tout ou partiellement détruites et les moyens de communication avaient sombré dans les inondations. On ne savait pas encore que faire des nombreux touristes parvenus entre-temps au prochain aéroport par leurs propres moyens. Le bureau Kuoni situé dans la région thaïlandaise de Patong n’existait plus et sa responsable de Khao Lak était portée disparue 2 jours durant. D’entente avec le département fédéral pour les affaires étrangères (EDA) en collaboration avec d’autres organisations de voyage et des compagnies d’aviation, des vols à vide ont été organisés afin de ramener un maximum de touristes à la maison et d’apporter des premiers secours et des marchandises au Sri Lanka et en Thaïlande. Des équipes de prise en charge et des agents de voyage étaient venues renforcer l’équipage. Après une semaine, l’ensemble des clients Kuoni, disparus exceptés, était rapatrié à bon port.
Savoir ce qui se passe
Les responsabilités individuelles ont été réparties peu après que la petite équipe de communication de crise se soit constituée en ce dimanche matin d’après Noël. Deux personnes se chargèrent de répondre aux questions des médias en envoyèrent durant cette première journée au total trois communiqués, diffusés tant à l’interne qu’à l’externe, afin d’informer l’opinion publique de l’évolution permanente de la catastrophe. Alors que l’ampleur du désastre se dessinait de plus en plus clairement, on décida que le chef de Kuni Suisse, également responsable de la cellule de crise, ferait office de porte-parole et se tiendrait lui-même devant les caméras. En temps de crise – selon le principe de Kuoni – la direction d’entreprise est au front. Le troisième membre de l’équipe de communication se concentrait sur la communication interne et coordonnait les informations avec la vingtaine de filiales du groupe et se chargeait d’informer tout ce monde de façon équilibrée.
La nécessité de posséder tout le temps un chargeur de téléphone cellulaire à disposition se confirma en ce 26 décembre car les besoins d’information des médias et de l’opinion publique explosent dans une telle crise. Une rapide communication de crise est bien perçue par l’opinion publique uniquement si elle est crédible. Les informations publiées sur internet et les mots utilisés devaient correspondre aux attentes les plus élevées. Les données étaient extrêmement sensibles puisqu’elles concernaient des êtres humains. Il s’agissait de renseigner des membres de la famille pour qui toute incertitude concernant la vie de leurs proches était insupportable. On communiqua donc uniquement des informations dont on était sûr à 100%.
Importance de l’accessibilité
Lorsque l’équipe de communication se réunit à 3h30 du matin le deuxième jour de la catastrophe pour débuter une nouvelle séance de crise, le chef régional de Thaïlande à Zurich avait déjà passé plus de vingt heures consécutives au téléphone. Le nombre de clients localisés sur place avait fortement augmenté et le temps était à l’incertitude. Outre la rapidité et le soin apporté à la récolte et à la diffusion d’informations, la troisième règle de communication de crise impose d’être atteignable en tout temps. Plus l’équipe de communication est petite, plus grande sera sa fatigue. Pourtant les communicateurs doivent toujours être disponibles pour les médias. Chaque chaîne de radio, chaque station de TV, chaque rédaction de presse considère ses propres demandes comme prioritaires. Chaque demande non répondue ou chaque attente journalistique infondée est considéré comme un manque de professionnalisme ainsi qu’une absence de maîtrise de la situation, voire même dans le pire des cas comme de l’arrogance de l’entreprise concernée et sera communiquée telle quelle à l’opinion publique. La communication de crise est donc un travail minutieux.
Mieux vaut aujourd’hui que demain
Dans le cas d’une crise telle que celle du tsunami, la première réaction humaine est le choc. Lorsqu’on doit communiquer dans le cadre d’une telle situation, il ne faut pas utiliser ce mécanisme psychologique compréhensible. Tout ce qui dure plus longtemps que la proverbiale seconde d’horreur est trop long pour la communication de crise. Naturellement que cette catastrophe a réveillé beaucoup d’émotions parmi les collaborateurs de Kuoni. Mais il s’agissait de maîtriser ses émotions pour ne pas influencer négativement le travail de la cellule de crise. Les automatismes d’un concept d’urgence et d’une organisation de crise bien rôdée sont extrêmement utiles. Même si les crises ne se laissent pas planifier à l’avance, il est toujours possible de se préparer activement à les résoudre.
Epilogue
Les événements du 26 décembre dernier étaient plus tragiques et chaotiques que l’imaginable. Mais Kuoni n’a pas affronté cette situation sans s’y être préparé. Les crises peuvent toucher chaque exploitation, chaque branche professionnelle. Une étude écologique sur une substance donnée, la découverte d’un mouton noir au sein d’un secteur particulier, des reproches diffus d’un ancien collaborateur fâché, ces événements parmi d’autres peuvent mener n’importe quelle organisation à connaître une situation de crise. La meilleure assurance pour y mener terme réside dans la rapidité de réaction, dans le fait d’être tout le temps atteignable et dans le travail soigneux et professionnel. En respectant ces quelques règles simple on s’assure de maintenir une bonne image de marque à son entreprise. Ce capital est de plus en plus indispensable à l’heure où les marques sont de plus en plus interchangeables et où le chaland devient de plus en plus volage.
Préparation à une communication de crise
- Identifier les risques possibles et développer des « scénarios-catastrophes ».
Celui qui se focalise sur le pire connaîtra les plus petites surprises.
- Une communication de crise ou d’urgence nécessite une organisation préalable.
Les processus et chemins décisionnels doivent être absolument prédéfinis : En situation de crise personne n’a plus le temps de se poser ce genre de questions. Qui doit faire quoi, où, quand ne doit plus être décidé en temps de crise mais devait être déterminé auparavant.
- Etablissement de contacts.
Les collaborateurs clés possèdent l’ensemble des numéros de téléphones et de fax ainsi que les adresses de messagerie électronique et les numéros de cellulaires des collègues de travail ainsi que des médias, autorités et experts à contacter le cas échéant. Toutes ces informations doivent être tenues à jour et immédiatement disponibles.
- L’exercice fait le maître.
Le directoire de l’entreprise doit se préparer à la crise dans le cadre d’un entraînement média à l’intérieur duquel le management s’entraîne et s’habitue aux pires situations de crise possibles. Mieux vaut se préparer au pire et ne jamais vivre de telles situations que le contraire.