À force de vouloir être un laboratoire de bonnes pratiques, l’Europe est en train de devenir un champ d’expérimentation pour multinationales. Imaginez une souris de laboratoire qui se croit en plein brainstorming sur sa liberté de mouvement, alors qu’elle est coincée dans un labyrinthe construit par Jeff Bezos. Ça y est, vous voyez l’image ?
Car pendant qu’on débat sur le bien-fondé d’une énième régulation du numérique, les GAFAM, Elon Musk et consortsavancent à la vitesse d’un Falcon Heavy, pendant que Bruxelles négocie avec la délicatesse d’une tortue arthritique. Et si la première puissance économique mondiale (oui, c’est nous) était en train de se faire coloniser sous nos yeux ? Spoiler alert : c’est déjà fait.
East India Company 2.0 : L’Empire Contre-Attaque
Reprenons l’Histoire (oui, avec un grand H).
À l’origine, l’East India Company était une simple boîte de négoce qui voulait vendre du thé et des épices. Puis, de fil en aiguille (et surtout à coups de mousquets et de pots-de-vin), elle s’est retrouvée à gouverner une grande partie de l’Inde. Le Parlement britannique ? Capturé. Les économies locales ? Détruites. Tout ça au nom du libre commerce et de la modernité.
Maintenant, regardez autour de vous.
- Amazon gère plus de 50 % du e-commerce européen.
- Google dicte quelles entreprises existent sur internet et lesquelles restent invisibles.
- Elon Musk décide qui peut parler ou se taire sur X (ex-Twitter), avec l’élégance d’un empereur romain en burnout.
- Microsoft et Apple ont rendu leurs logiciels indispensables, transformant l’innovation en abonnement mensuel.
Et Bruxelles, dans tout ça ? Elle fait des réunions. Beaucoup de réunions.
La Capture des Institutions : Même Jeu, Nouveaux Joueurs
L’EIC achetait des parlementaires, et les grandes entreprises américaines font à peu près pareil, sauf qu’on appelle ça du lobbying et que ça passe crème.
En 2022, Amazon a dépensé 14,6 millions d’euros en lobbying à Bruxelles. Google : 11 millions. Apple : 7,5 millions.Ça en fait, des petits-déjeuners en tête-à-tête avec des commissaires européens. Résultat ? Des règlements qui ressemblent plus à une charte de bonne conduite qu’à une vraie réforme.
Mais le plus beau, c’est que pendant que l’UE tergiverse, les États-Unis eux-mêmes commencent à serrer la vis aux GAFAM. Ironie ultime : l’Europe est plus laxiste que le pays qui les a créés.
Le Contrôle des Infrastructures : Bienvenue dans un Monde Loué à l’Année
L’East India Company a verrouillé l’Inde en monopolisant les routes commerciales. Aujourd’hui, c’est l’infrastructure numérique qui est sous contrôle américain :
- 80 % des données européennes sont stockées sur des serveurs américains.
- 95 % des services de cloud computing sont dominés par AWS, Microsoft Azure et Google Cloud.
- La cybersécurité dépend de logiciels américains, et l’IA suit la même trajectoire.
On croyait avoir une armée, un système bancaire et une industrie. Mais si demain Google décide que la France ne respecte pas ses conditions d’utilisation ? Pouf, plus d’accès aux mails. Plus de documents. Plus de visibilité sur internet.
Imaginez une nation entière réduite à un compte suspendu.
Pourquoi l’Europe Se Fait Toujours Avoir ?
C’est simple :
- On ne sait pas dire non.
- On régule des industries qu’on ne possède pas.
- On adore les débats interminables.
Pendant que Washington et Pékin construisent des géants de la tech, nous, on débat encore pour savoir si Qwant peut rivaliser avec Google (indice : non).
L’UE a bien essayé de répliquer en lançant des projets comme Gaia-X (cloud souverain), mais le train a déjà quitté la gare. Nous sommes en 2025 et nous nous battons pour récupérer un peu d’indépendance numérique comme un couple divorcé qui tente de négocier la garde du chien.
Que Faire Pour Ne Pas Devenir un "Parc d’Attractions Numérique" ?
Il reste une fenêtre de tir, mais elle se referme vite. Voici quelques idées (gratuites, Bruxelles, si vous lisez ceci) :
1. Arrêter d’être naïfs
Les États-Unis et la Chine défendent leurs entreprises stratégiques. L’Europe doit faire pareil, et vite. Plus de naïveté, plus de “oui mais la libre concurrence”.
2. Investir sérieusement dans les alternatives
- Un cloud européen obligatoire pour les données publiques et critiques.
- Des financements massifs pour des entreprises européennes en IA, cybersécurité et numérique.
- Un moteur de recherche européen fonctionnel (non, Qwant, ça ne compte pas).
3. Taxer lourdement les multinationales qui exploitent l’Europe sans contrepartie
- Si Amazon vend en Europe, il paie ses impôts en Europe.
- Si Google extrait des données des Européens, il paie pour ça.
- Si Elon Musk joue au cow-boy numérique, il doit respecter des règles européennes.
4. Stopper la fragmentation de l’Europe
Les multinationales exploitent le fait que l’Irlande et le Luxembourg servent de paradis fiscaux internes. L’UE doit se coordonner pour éviter que des pays jouent contre leurs propres intérêts.
L’Europe Doit Agir Avant Qu’il Ne Reste Que des Ruines
Nous avons déjà perdu une partie du combat. Mais tout n’est pas fini.
Si l’Union Européenne ne change pas radicalement de cap, elle finira comme une extension administrative du capitalisme numérique américain. Une sorte de bureau comptable géant où les ingénieurs français, allemands et espagnols iront bosser pour les GAFAM avant d’être remplacés par de l’IA.
Bref, il est temps d’arrêter de jouer aux naïfs et de défendre nos intérêts.
Ou alors, autant tout de suite changer notre slogan officiel pour :
“Bienvenue en Union Siliconienne d’Europe, votre call center premium depuis 2025.”
sources:
- The Atlantic : “Trump and Historical Analogies ”
- Digital Markets Act et Digital Services Act - Commission Européenne
- Rapport sur les dépenses de lobbying des GAFAM en Europe, 2023
- Anarchy: The Relentless Rise of the East India Company - William Dalrymple