Le modèle de communication du 20e siècle a vécu
La Corporate Newsroom du pionnier suisse AXA Winterthur
Qui pratique efficacement le marketing et la communication doit pouvoir piloter les thèmes à traiter. Mais les entreprises sont trop souvent cloisonnées dans leurs structures classiques. La conception moderne de Newsroom contribue à décloisonner l’entreprise engoncée entre communication et marketing, entre parties-prenantes externes et internes, entre RP-produits et relations média. Trop peu d’organisations sont parvenues à décloisonner et à réellement piloter leur communication jusqu’à présent. Cela peut être dangereux à long terme. Les entreprises cotées en bourse doivent de plus en plus justifier leurs actes devant des parties-prenantes critiques et entrainées aux relations avec les médias. Les clients, investisseurs ou activistes environnementaux transmettent désormais en temps réel leurs prises de position à une multitude de destinataires et influenceurs. La communication et le marketing ne sont depuis longtemps plus de simples émetteurs de messages mais reçoivent également des demandes de clients, des commentaires et sont sujets d’évaluations en ligne. Pour réagir au mieux le plus rapidement possible, les bons communicants comprennent l’importance du monitoring pour observer les tendances et impulsions des différents canaux concernés. Et cela 24H/24, weekend compris, car l’opinion publique communique également hors des heures de travail.
Le contenu plus important que le contenant
Le rôle de la communication en tant que créatrice de valeur et facteur de succès à l’entreprise n’est pas contesté. Le marketing de contenu ou le Storytelling (art du récit) émergent de l’arsenal des outils et disciplines de communication à la mode et cristallisent les tentatives de pilotage des thèmes à traiter. Certains oracles n’hésitent pas à prédire que la publicité classique va prochainement disparaître. Ce qui compte ce n’est pas le contenant mais le contenu. Ce contenu peut se matérialiser sous forme d’article, de vidéo, diaporama, infographie et les expositions gagnées par la marque dans les médias. Il existe une différence essentielle entre la publicité et le contenu informatif. Une bonne publicité ne fera jamais un contenu rédactionnel. Trois utilisateurs sur quatre font confiance aux contenus rédactionnels institutionnels, tant que leur contenu n’est pas publicitaire.
La valeur ajoutée de la communication reste trop souvent négligée
Les bonnes contributions doivent soigner leur dramaturgie, tant dans leur mise en scène que leur production. Cela nécessite un alignement clair de la communication d’entreprise par thème à traiter. Cette manière de traiter la communication intégrée est discutée depuis des années. On se casse pourtant encore trop souvent les dents en passant de la théorie à la pratique. On néglige encore trop souvent le rôle créateur de valeur de la communication institutionnelle en donnant aux communicants des rôles stratégiques clés dans l’organigramme. Et dans le cas contraire, c’est le communicant qui peut hésiter à relever ce défi. Une grande majorité des conseils d’administration regorge de spécialistes des domaines des finances, recherche et développement, de la production mais sont encore trop souvent sous-dotée en spécialistes du marketing et de la communication.
La digitalisation : bénédiction ou malédiction de la communication intégrée ?
La digitalisation accélère le phénomène de convergence des différents canaux et favorise ainsi la croissance simultanée des différentes disciplines de la communication d’entreprise. Hier, dans le monde des médias classiques, une stricte séparation du développement des contenus publicitaires, des messages RP et de la planification média. L’émergence des canaux digitaux et des médias sociaux exige aujourd’hui une intégration beaucoup plus importante. La médiatisation des entreprises ne dépend plus exclusivement de l’intérêt des journalistes et des éditeurs à leur égard mais peuvent communiquer directement avec le consommateur sans n’avoir plus besoin d’intermédiaire. Les contenus transmis doivent soutenir les objectifs de l’entreprise, tout en soutenant l’intérêt journalistique et l’intérêt du lecteur afin d’être efficacement transmis et lu. Une coordination du département de la communication institutionnelle avec les départements du Marketing et de la publicité classique est indispensable à cette intégration de la communication pour lutter contre la fragmentation croissante des différentes disciplines pratiquées qui tend à complexifier grandement le travail des communicants d’aujourd’hui pour un résultat de moins en moins efficace.
Combler les fossés cachés grâce au principe de la Newsroom
Le fossé décrit entre le besoin et la réalité nous amène à la question de l’émergence de la communication intégrée, non plus comme exception, mais comme règle et ce qu’il faut mettre en place pour faciliter cette intégration. La construction d’un lieu central, d’une véritable fabrique interdisciplinaire de création de contenu matérialise ce concept et renforce l’imbrication des différentes disciplines de la communication d’entreprise – relations publiques, publicité, planification média et distribution, communication numérique, etc. Les séparations organisationnelle entre ces différentes disciplines n’ont à terme plus de raison d’être.
Mise en place d’une Newsroom comme projet de gestion de changement
L’introduction d’une fabrique de contenu intégrée permet de tirer profit de la digitalisation de l’entreprise et de l’intégration de ses différents communicants. Il ne faut pourtant pas sous-estimer la difficulté de sa mise en place. Le changement structurel visé, des rapports de travail et des pouvoirs en présence, des cahiers des charges existants sont sources de résistance dans ce cadre de réorganisation. La peur du changement et l’insécurité ambiante ne doivent pas être prise à la légère par la direction. C’est pour cette raison qu’un tel projet devrait être identifié comme un projet de changement nécessitant une gestion appropriée.
Le concept de la «Newsroom » provient du monde de l’édition. L’évolution des médias a poussé les éditeurs à repenser le poste de journaliste pour répondre à l’explosion des nouveaux médias. Outre la presse écrite, le journaliste nourrit quotidiennement une multitude de canaux numériques, tels que la presse en ligne, les réseaux sociaux, la vidéo, l’audio, les apps. Pour y parvenir dans un contexte économique difficile, une seule recette : la convergence est au programme des équipes de rédaction. Aujourd’hui, les journalistes produisent du contenu qui sera diffusé par différents canaux durant tout le cycle de l’information. La communication n’est plus poussée mais recherchée (Push-Pull). Le monologue médiatique cède le pas au dialogue. L’information cède le pas à la communication et à la conversation. Ces dernières années, les groupes de presse nord-américains ont consolidé leurs rédactions et créé le concept de « Newsroom » qui a émigré depuis en Europe et en Suisse. Désormais les rédacteurs ne sont plus dédiés à un titre ou média particulier mais à une thématique.
Le modèle de la Newsroom
Le modèle de la Corporate Newsroom d'après Christoph Moos
Phases d’implémentation d’une Newsroom
C’est un programme de gestion de changement interne au département de la communication d’entreprise qui se déroule sur plusieurs mois qui se décompose en trois phases distinctes :
La phase préparatoire :
Les entreprises adaptent leurs structures pour répondre à différents buts stratégiques :
- Gestion des thèmes : choix des thèmes à traiter et pilotage de leur communication.
- Transparence : dialogue ouvert, processus plus efficients.
- Une voix institutionnelle : Communiquer d’une seule voix.
- Intégration : Communication à travers tous les médias disponibles.
Questions initiales :
- Sommes-nous capables de piloter au mieux notre communication ?
- Avec combien de voix différentes nous exprimons-nous ?
- Pouvons-nous communiquer l’ensemble des thèmes retenus à travers les bons médias auprès de chaque partie-prenante choisie ?
- Pensons-nous plutôt en thèmes à traiter ou en canal d’information ?
- Sommes-nous capables de produire du contenu en temps réel ?
La plupart des entreprises concernées ne peuvent pas répondre par l’affirmative à chacune de ces questions.
Une analyse de situation intensive précède la formulation des objectifs.
Phase de conception :
L’analyse de situation aboutit à l’élaboration de l’image finale de la Newsroom à créer . Cette étape se développe avec le personnel concerné. Elle comporte des changements opérationnels et bureautiques, la planification de la nouvelle organisation et des nouvelles descriptions de poste en collaboration avec le département des ressources humaines. L’implication et la motivation du personnel concerné est indispensable à ce stade des opérations.
Phase d’implémentation :
Une fois le modèle de Newsroom créé, il s’agit d’obtenir les feux verts nécessaires à sa réalisation auprès des différentes instances concernées. Sa création nécessitera un accompagnement externe sur plusieurs mois afin d’essuyer les plâtres.
Les corporate Newsrooms en Suisse
L’institut IAM Institut für Angewandte Medienwissenschaft de Winterthur a mené la première étude helvétique dédiée au Corporate Newsrooms en 2016. 77 sur 225 organisations contactées en avril 2016 avaient déjà implanté une nouvelle organisation de ce type, 15 envisagaient de le faire dans les 18 mois, 36 n’envisageaient pas une telle transformation à terme et 6 organisations ignoraient jusqu’à l’existence de ce concept.
L’étude a démontré qu’une grande majorité des organisations concernées pratiquent toujours une organisation scindée en groupes-cible et canaux distincts, contredisant ainsi le principe l’organisation par thèmes distincts du modèle.
L’organisation géographique des entreprises sondées démontre que 26 des 70 organisations ont organisé leur communication dans un « open-space ». 18 entreprises ne disposent pas de Newsroom dédiée. La moitié des entreprises sondées fonctionnent par délégation de responsabilités thématiques. C’est une proportion très importante lorsqu’on considère que la plupart des départements concernés sont toujours organisés par groupes-cible ou canaux distincts.
Les organisation pratiquant la Newsroom sont plus analytiques que leurs consoeurs traditionnelles. Elles pratiquent au moins une séance quotidienne de briefing (dans 40% des organisations sondées). Le reste pratiquant un rythme moins soutenu d’au moins une séance hebdomadaire. L’organisation en Newsroom facilite l’échange et la prise de décision entre les différents communicants concernés.
L’organisation en Newsroom transforme également la gestion de l’information. Les différentes activités ne sont plus ventilées dans des sous-départements distincts mais sont connues de tous. Chacun connaît l’ensemble des thèmes actuellement traités et est impliqué dans la planification, sachant ainsi parfaitement ce à quoi travaillent ses autres collègues.
En résumé, l’étude démontre que la Corporate Newsroom est déjà bien implantée en Suisse et que cette tendance va se poursuivre ces prochaines années. Différents modèles cohabitent. Certains plus aboutis que d’autres. Les résultats de l’étude (en langue allemande) peuvent être téléchargés
ici