Une étude de marché SINUS représentative d’octobre 2011 démontre que les Eglises allemandes vont continuer à perdre du terrain. 2,4% de leurs membres âgés de plus de quatorze ans (un million de personnes) dont deux fois plus de réformés que de catholiques ont pris la décision de quitter leur Eglise. Si l’on ajoute ceux qui envisagent de quitter leur Eglise, ce chiffre augmente à plus de cinq millions et demi de personnes, soit 12,1% des réformés et 9,9% des catholiques allemands actuels.
L’étude SINUS démontre que la déconfessionnalisation (sécularisation) de la société distancie de plus en plus l’Eglise de la population. L’Allemagne est redevenue un marché missionnaire pour ses Eglises minoritaires. Les raisons sont multiples : sécularisation, évolution démographique, vieillissement et érosion des milieux chrétiens traditionnels et désintérêt des milieux plus jeunes pour la question religieuse.
En changeant de perspective, les optimistes pourront toujours rétorquer que le verre reste encore plus qu’à moitié plein. Une majorité d’Allemands sont toujours membres de l’une des deux principales Eglises chrétiennes. L’analyse des différents milieux allemands démontre qu’à l’exception des milieus modernes majoritairement non religieux, les autres milieus restent encore majoritairement chrétiens. Mais jusqu’à quand ?
Le graphique ci-dessous illustre les différentes représentations pour chaque groupe de population (ou Sinus) identifié.
- 59% des Allemands se sentent religieux
- 33% des Allemands se sentent liés à leur Eglise
- 28% des Allemands participent à la vie religieuse en tant que bénévole ou membre d’un groupe ou d’un cercle religieux
- 21% des Allemands fréquentent régulièrement un service religieux
- 10% des Allemands prient régulièrement
Pour mieux comprendre les tenants et aboutissants de ce phénomène, les deux principales Eglises allemandes ont utilisé le modèle de société « SINUS-Milieus » développé au niveau européen (dont la Suisse) par institut SINUS. Pour faire simple, il s’agit d’une loupe sociologique nous permettant d’observer la multiplicité des orientations de vie, religieuses et ecclésiastiques d’une population allemande subdivisée en dix milieux de vie différents. Chaque milieu regroupe des individus qui prônent la même conception et manière de vivre. L’étude de ces milieux analyse l’ensemble des domaines de vie concernant une personne au quotidien : travail, loisirs, famille, argent, consommation, sens de la vie, etc. Un résultat central de cette étude résulte dans le fait que les priorités de valeur et les styles de vie recherchés de façon empirique sont complétés dans une typologie de base appelée « SINUS-Milieus »
L’évolution technologique et socioculturelle supersonique que nous avons vécu et continuons de vivre a provoqué et provoque toujours des transformations sociétales très profondes. Cette profonde mutation explique également les tout aussi profonds changements de perception de l’Eglise et sa signification dans notre vie quotidienne. Si les églises désirent rester populaires, elle sont obligées de comprendre les priorités de valeurs, définitions et états mentaux de la population pour pouvoir continuer à rester en relation avec elle.
Comment doit réagir l’Eglise catholique sur le fait qu’elle a perdu le contact avec bon nombre de milieux sociaux, principalement avec les personnes jeunes, modernes et dynamiques ? Pour qu’elle puisse à nouveau accueillir dans ses paroisses, non pas deux ou trois milieux (traditionalistes) différents sur les dix que compte la société allemande (tout comme la Suisse d’ailleurs). Telles sont les questions qui ont été posées à la suite de la publication de l’étude « orientations religieuses et ecclésiastiques dans les sinus-Milieus 2005 ». La publication de cette étude a profondément changé la manière de voir des responsables pastoraux d’Allemagne – pas seulement au sein de l’Eglise catholique, mais également dans les Eglises réformées qui ont également accueilli l’étude.
Les résultats obtenus de ce diagnostic sont toujours d’actualité. Les Eglises allemandes ne sont actuellement proches que de trois milieux et échappent tout ou partiellement aux sept autres. L’Eglise est proche des « conservateurs établis », des « traditionalistes » et de la « moyenne bourgeoisie ». Les personnes exprimant leur croyance et leur appartenance rapprochée à un communauté religieuse ou à une Eglise représente 15% chez les conservateurs établis, 22% chez les traditionalistes, et 12% dans la moyenne bourgeoisie. La moyenne sur les dix milieux différents est à 9%.
Ces pourcentages démontrent un assentiment limité – même dans les milieux proches – envers l’Eglise. Cet assentiment général limité envers l’Eglise s’exprime par la distance croissante entre elle et la population. Dans chaque milieu, une majorité populaire ne peut plus être atteinte par l’Eglise. Plus le milieu est jeune et/ou moderne, plus l’Eglise rencontre de difficultés relationnelles.
Les déficits ecclésiastiques sont connus : vieillissement des fidèles, manque de bénévoles, recul des membres conduisant à des difficultés financières. Alors, sommes-nous à la veille d’une nouvelle ère post-religieuse ? Les paris sont ouverts. Les auteurs de l’étude constatent que la religion se demande aujourd’hui sous d’autres formes qu’hier. La foi devient plus privée dans la société moderne qu’elle ne l’était hier. La population moderne n’exprime plus volontiers sa fois. Peut-on l’en blâmer ou le regretter ? Cela ne servirait pas à grand chose. Il est rassurant de constater que ,comme dans d’autres temps, l’être humain aspire toujours à une orientation, rechercher du sens à sa vie, la chance, et aspire à la sécurité métaphysique. – en d’autres mots : un besoin en spiritualité et transcendance. Malheureusement pour les curés et pasteurs d’aujourd’hui, la population satisfait actuellement ce genre de besoins à l’extérieur de l’Eglise.
Que faire pour renverser la vapeur ? Les Eglises doivent tout d’abord comprendre et apprendre la société dans laquelle elles vivent. Il s’agit de remettre intellectuellement et socialement l’Eglise au milieu du village. De se remettre en selle avec l’ensemble de la population, avec les jeunes comme avec les vieux, avec les traditionalistes comme avec les adeptes de la modernité. La direction de conscience est une forme de communication. Une bonne communication implique de comprendre son vis-à-vis. L’Eglise doit apprendre à classifier ses différents publics-cibles pour interagir de façon différenciée avec eux. Chaque public possède des besoins et des désirs différents envers l’Eglise. L’étude précitée de 2005 ainsi que les études complémentaires menées en Allemagne (ndlr et en Suisse dans différents cantons alémaniques) par l’Institut Sinus ont éclairé la compréhension moderne de la foi et de la religion au sein des différents milieux qui forment notre société d’aujourd’hui. Elles ont illustré les différentes variétés et sensibilités religieuses de la société moderne.
L’Eglise ne peut plus se contenter de travailler hier comme aujourd’hui. Une société pluraliste nécessite également une interprétation pluraliste du sens de la vie, de la spiritualité et de la transcendance. Le milieu pastoral doit en compte les différentes lectures de la société actuelle et proposer une offre tout aussi différenciée pour renouer le dialogue.
Et les chances d’y arriver ne sont pas si mauvaises. Moins d’un tiers des Allemands (28%) se considèrent comme religieux. Le potentiel existe donc pour une mobilisation spirituelle. Une majorité allemande exprime - au sens large - des besoins religieux. L’Eglise doit travailler pour combler ce manque. La mise en place d’une véritable stratégie moderne de marketing religieux devrait permettre aux différents milieux de population de renouer le contact. Mais les Eglises devront démontrer que les offres déclinées et adressées aux différents milieux comblent réellement leurs attentes spirituelles, sociales et religieuse – dans leurs bons comme dans les mauvais jours.
Et la Suisse ?
Il me semble important que les Eglises suisses lancent rapidement un projet similaire à l’échelon fédéral et/ou romand plutôt que chaque Eglise travaille dans son coin en utilisant des outils différents. Il en va de leur crédibilité populaire et de leur avenir.
Source
Revue en ligne dédiée à l'utilisation des Sinus Milieus en Suisse sur scoop.it
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