Durant les cinquante premières années de l’évolution informatique, environ un milliard d’individus se sont mis à utiliser des ordinateurs. La grande majorité de ces personnes provenaient d’Amérique du Nord, d’Europe occidentale et du Japon. Mais aujourd’hui, ces marchés sont arrivés à saturation et n’évoluent annuellement plus que de quelques pourcents. Pour survivre dans ces conditions, l’industrie informatique nécessite un développement de marché largement supérieur à ces prévisions. Son salut réside donc dans les marchés émergeants qui laissent miroiter des milliards de nouveaux consommateurs pas encore acquis aux joies de l’informatique et du tout-numérique. Les compagnies technologiques misent de plus en plus dans cette direction avec l’espoir que l’ancien Tiers-monde, appelé dorénavant « pays émergeants » (car c’est plus politiquement correct), représente le prochain foyer de croissance tant nécessaire à leur propre survie. Conduit par la Chine, l’Inde la Russie et le Brésil, les marchés émergeants devraient doper annuellement la croissance informatique mondiale de 11 pourcents durant les cinq prochaines années pour atteindre un chiffre d’affaires de 230 milliards de dollars selon les prévisions de l’institut IDC. Ce qui rend ces marchés si attirants n’est pas la pauvreté de leur population mais la classe moyenne émergeante avide d’imitation occidentale au travers d’équipements à la mode ainsi que de produits de marques que nous utilisons déjà dans notre vie quotidienne. Cette classe moyenne représente déjà 60 millions de consommateurs en Chine, 200 millions en Inde et connaît actuellement une croissance exponentielle.
Un tiers de siècle plus tôt, vers la fin des années septante et le début des années huitante, le secteur informatique a vécu sa révolution du PC. De nouveaux empires sont sortis de terre grâce à l’avènement de la micro-informatique. Certains dinosaures qui n’avaient pas perçu à temps ce changement de paradigme ont été rayés de la carte du monde car ils ne proposaient plus les bons produits. Grâce à la diffusion rapide de technologie à l’intérieur des économies émergeantes, l’industrie informatique est en train d’atteindre une gigantesque nouvelle audience. Une nouvelle génération d’entreprises encore inconnue aujourd’hui pourrait bien damer le pion aux futurs dinosaures de demain. Pour l’industrie informatique, il s’agit donc de prendre aujourd’hui les bonnes dispositions sous peine de disparaître demain.
Si l’histoire se répète, les instruments sont différents. L’ère de la micro-informatique a cédé le pas à l’ère du sans-fil. L’explosion du PC d’hier a cédé le pas à l’explosion des téléphones cellulaires. Si l’industrie compte écouler 30 millions de PC en Asie cette année, les équipementiers écouleront simultanément 200 millions de téléphones cellulaires. Chacun de ces téléphones permettant à son propriétaire d’envoyer et de recevoir des courriers électroniques et de surfer sur le Net. Cette situation avantagera particulièrement les équipementiers coréens Samsung Group et LG, qui ont perçu cette évolution de tendance avant leurs concurrents occidentaux.
Les défis de succession dans les marchés émergeants vont forcer les pouvoirs occidentaux à développer de nouvelles stratégies. La tendance jusqu’alors avait été de vendre le même produit à une même catégorie de consommateurs, où qu’ils se trouvent sur la planète. Mais cela n’a pas réellement fonctionné et doit être modifié à l’avenir. Il est donc temps de repenser fondamentalement la stylique des produits ainsi que leur aptitude à générer des profits. En réussissant cet exercice, l’industrie parviendra, nous l’espérons, à renouveler le succès déjà connu avec la micro-informatique durant les dernières décennies. De nouvelles innovations, spécialement créées à l’attention des pays en voie de développement, contribueront à diminuer le fossé numérique Nord-Sud.
La plupart des familles chinoises ou indiennes ne peuvent pas se payer d’ordinateur. Une nouvelle sorte d’entrepreneurs est en train d’émerger sous ces latitudes : les opérateurs de kiosques techniques proposant des services informatiques aux populations environnantes. Pour pouvoir bien fonctionner dans des conditions environnementales difficiles, ces terminaux et les logiciels utilisés doivent être améliorés sous plusieurs aspects : accessibilité des prix, ergonomie, durée de vie, taille réduite sans rien sacrifier à la performance. En Afrique du sud, HP est en train de tester un nouveau type de cellules solaires avec des photographes itinérants. Ces capteurs énergétiques coûtent 80% moins chers que les panneaux solaires traditionnels utilisés en Inde et sont plus résistants. Si cette technologie parvient à maturité, on pourra bientôt recharger son portable partout sur la planète en intégrant ces cellules aux sacs de transport des portables qui nous suivent quotidiennement.
L’émergence de ces nouveaux marchés représente un dilemme pour l’industrie informatique. Cette évolution représente à la fois une chance de développer sa clientèle pour autant que l’esprit de compétition dope les marques à développer de meilleurs produits que la concurrence. Pour se développer il faut donc investir…tout en sachant que cette nouvelle clientèle dispose de ressources financières limitées et que la pression des prix valables dans les marchés émergeants se répercutera également dans les marchés dits « développés ».
Au niveau macroéconomique, le développement des marchés émergeants pourrait bien avoir un effet de boule de neige sur l’économie mondiale et sur le futur des différentes industries technologiques. Ces investissements technologiques pousseront en avant les économies nationales en développant leur productivité ainsi que leur produit national brut et la consommation de toutes sortes de produits plus technologiques.
Pour rencontrer du succès dans les marchés émergeants, l’industrie doit s’adapter et ne pas copier bêtement les stratégies développées pour les pays développés. Même le fabricant d’ordinateur le plus talentueux de la planète à déjà fait les frais de cette expérience. En l’an 2000, Dell introduisit le SmartPC en république populaire de Chine. Cet ordinateur se différenciait des autres modèles commercialisés par la marque texane par son mode de livraison (livré préconfiguré et non pas sur commande) et de fabrication locale par un fabricant taiwanais et non pas occidentale par Dell elle-même. Commercialisé localement au prix de 600 dollars, ce modèle a permis à Dell de devenir le principal fournisseur d’ordinateur de l’empire du milieu en développant sa part de marché de 1% en l’an 2000 à 7,4% aujourd’hui. Toute proportion gardée, Dell n’est pourtant pas encore parvenue à atteindre en Chine les parts de marché qu’elle possède dans le reste du monde. La raison de cet échec réside selon toute vraisemblance dans son mode de distribution – la vente directe – peu adapté à la population chinoise habituée à tâter la marchandise avant achat. Dans un tel marché, la vente indirecte est donc beaucoup plus propice et a contribué au succès des concurrents chinois de Dell que sont Lenovo (25,7%) et Founder Electronics (11.3% de parts de marchés) selon IDC. Dans ce combat aux parts de marché, ce sont les industries locales, mieux implantées et mieux intégrées aux us et coutumes locales que les industriels occidentaux, qui semblent bénéficier des meilleures cartes.
La recette miracle du succès dans les marchés émergeants n’est pas si simple à trouver. Certains clients gouvernementaux ou institutionnels en Russie ou au Brésil sont aussi importants que leurs homologues américains ou allemands et expriment des besoins technologiques aussi sophistiqués. Pour comprendre ces besoins, certains équipementiers sont en train de mener des enquêtes de fond pour comprendre les attentes de ces nouvelles clientèles. De cette manière, le fabricant de microprocesseurs Intel a compris que les parents chinois s’inquiétaient que leur enfant unique n’écoute trop de musique et perde trop de temps à jouer sur le Net au lieu d’étudier. Intel a par conséquent transformé cette crainte en un nouveau produit grâce à la commercialisation d’un PC d’études à domicile livré avec différentes applications éducationnelles et verrouillable par les parents si nécessaire en cas d’abus. La plupart des produits conçus pour les particuliers et les mini-entreprises des pays émergeants doivent répondre à certaines spécifications imposées par la demande : ils doivent être simple à utiliser, bon marché et capables de fonctionner en environnement hostile.
Lorsque les industriels modifient leurs produits existants pour mieux répondre aux besoins des marchés émergeants, ils parviennent bien souvent à améliorer leur offre pour la plus grande satisfaction de l’ensemble de leur clientèle. C’est ce que vient de vivre l’équipementier finlandais Nokia avec l’invention d’une technologie permettant de réduire par deux le nombre de signaux de transmission de ses sites. Le gain est substantiel : grâce à cette innovation, Nokia peut désormais bâtir des réseaux deux fois moins onéreux qu’avant et déploie déjà cette technologie de la Thaïlande au Pérou.
Dell, Nokia et les autres géants occidentaux nécessitent toutes les innovations possibles pour maintenir leurs gémonies par rapport aux challengers émergeants locaux. Même Microsoft, le géant parmi les géants n’est pas à l’abri de cette menace. Son tendon d’Achille se prénomme Linux et représente une alternative viable à Windows dans les marchés en développement. Désormais, la Chine, le Japon et la Corée collaborent au développement d’une version asiatique du système d’exploitation open-source. Bon nombre de gouvernements préfèrent déjà Linux à Windows, à l’instar du gouvernement israélien dont les fonctionnaires travaillent désormais avec le système Linux. Questionné par Business Week, le groupe de Redmont, qui a décliné de commenter cette information dans les colonnes de l’hebdomadaire américain, envisagerait à court terme la commercialisation d’un système d’exploitation Windows allégé en Thaïlande, Indonésie et Malaisie afin de reprendre des parts de marchés à son ennemi le pingouin. Sera-ce suffisant ? Nul doute désormais que les marchés émergeants soient de première importance pour nos industries technologiques occidentales.
Une association informatique suisse au service des pays émergeants
Toute entreprise est confrontée à l'élimination de son matériel informatique usagé. L'association DeltaLink apporte à ce problème une solution professionnelle, discrète et sûre, sans frais, écologique et valorisante : la réhabilitation de ce matériel dans les pays défavorisés. La vocation de DeltaLink est de générer dans les pays destinataires des centres de compétences en relation avec l'ordinateur et Internet, le tout dans un esprit de "commerce équitable".
Créée en août 2000, cette association romande à but non lucratif contribue au développement des NTIC. Elle récolte en Suisse le matériel informatique usagé auprès des entreprises et des particuliers. Après contrôle, effacement des données et identification, ce matériel est revendu à bas prix, prioritairement dans les pays en voie de développement, dans un esprit de « commerce équitable », à des professionnels locaux de l’informatique tels que revendeurs, « maintenanciers », gérants de cybercafés, secrétariats publics, écoles techniques, ONG, etc.
Financée par les dons de matériel informatique dont les entreprises suisses se débarrassent, DeltaLink prend en charge ce matériel, le contrôle et le transporte sans frais avant son expédition à l’étranger.
Informations complémentaires : www.deltalink.org